Le harcèlement scolaire, une évolution marquante dans les établissements scolaires de Loire-Atlantique

L’actualité sur le harcèlement scolaire de ces derniers mois a été assez glaçante, le gouvernement a donc décidé de prendre des mesures pour contrer le harcèlement scolaire. Les médias interrogent les membres du gouvernement ou les victimes du harcèlement scolaire, mais pas les établissements. Ils sont d’ailleurs bien souvent critiqués, pointés du doigt, comme n’agissant pas ou trop peu, et pour certains niant le problème ou fermant les yeux. Focus sur les moyens mis en oeuvre dans les établissements pour lutter au maximum contre le harcèlement scolaire dans leur établissement.

Le harcèlement scolaire, une évolution marquante dans les établissements scolaires de Loire-Atlantique

6 à 10% des élèves subissent du harcèlement comme le soulignent L’Express ou Sénat par exemple. Ce dernier souligne aussi que selon d’autres, les chiffres sont plus alarmants, comme pour UNICEF France, où un enfant sur deux se dit victime de harcèlement dès l'âge de 7 ans, et un enfant sur quatre à 18 ans. L’UNESCO de son côté estimait en 2019 que le harcèlement touchait en France 22% des élèves.

Identifier les harceleurs et les harcelés

Pour ce nouveau début d’année scolaire, le gouvernement a décidé de réagir. Dans un lycée au nord de Nantes, professeurs, Conseiller Principal d’Education (CPE) et administration traitent le harcèlement scolaire au sein de leur établissement. 

Le premier problème consiste à déterminer l’apparition même du harcèlement. La question se pose de savoir s’il existe par exemple des “profils type” de  harcelés et de harceleurs. Et comment on les identifie …. Cette professeure de lettres repère que cela se remarque par des attitudes, même si ce n’est pas toujours le cas : “les jeunes qui paraissent très renfermés, on peut se poser des questions… et au contraire, ceux qui se montrent très à l’aise… voire trop à l’aise, et/ou trop populaires en classe, je me méfie car il peut y avoir anguille sous roche. Pour les comportements, cela va être par des petites phrases, des pics, des moqueries,...”. 

Pour cet autre professeur, "Il n’est pas évident de le savoir, si les parents ou les élèves ne le disent pas. Bien souvent, les harceleurs font ça en cachette”. Avis partagé par un autre professeur de philosophie cette fois-ci “Il reste très difficile de savoir si un élève harcèle ou est harcelé. Dans la majorité des cas, nous voyons des amis proches et la famille se manifester, ceux ci se sentant les plus touchés et informés. Nous avons quand même des moyens pour lutter. Personnellement, si un élève est tout seul, tout le temps, qu'il a l'air malheureux, cela peut être un signe, mais c'est surtout la relation aux autres qui s’avère significative.”.

Quelles mesures adopter ? 

Ensuite, il faut se demander quelles mesures le professeur peut et doit prendre. Pour la même professeure de lettres, “au début de l’année, on n'a pas le droit de se moquer d'un élève qui se tromperait, etc. Je préfère largement quelqu'un qui participe et qui se trompe. C’est aussi hors de question qu’un élève soit moqué s’il ne lit pas bien, etc. j'insiste là-dessus. Je serai très vigilante. Tout le monde a le droit de se tromper. Après, s’il y a des pics, nous on ne va pas en rebalancer un derrière. Cela serait une forme de vengeance… pas très maligne. Je vais en revanche plus faire des remarques du type « je ne veux pas de jugement de valeur ». Et puis si après cela venait à se reproduire, je prends l'élève à part !”

Une évolution apparait et est tout de même notable car selon la professeure de lettres interrogée, le harcèlement scolaire ne semble plus un tabou. Un rappel avec l’actualité qui prouve bien les conséquences dramatiques du harcèlement scolaire peut aussi être établi dans certains cas, mais aussi : “les élèves le disent plus facilement aux professeurs.”

L’éternelle question de la responsabilité

L’enjeu réside de savoir comment réagir. “Les élèves savent qu’ils sont écoutés et ils viennent plus facilement nous parler. Et s’il y a harcèlement, on leur explique que c’est de notre DEVOIR de faire remonter l’information. Je vais directement voir les CPE, voire directement la proviseur quand il y a des signaux d’alerte. On se réfère également à ce que nos collègues du climat scolaire ont écrit. Ils ont créé un document impressionnant, pour les profs et les élèves en cas de harcèlement scolaire.”  (Protocole à retrouver à la fin de l’article)

Il est aussi évident de créer une sorte d’espace pour isoler les uns des autres“Si les faits se trouvent avérés, je ne vais pas les mettre ensemble. Je ne forcerai jamais. Si j'effectue mes tirages au sort de groupe, et qu’ils finissent ensemble, je peux toujours les modifier.”

Par ailleurs, l’impunité étant la pire des choses, il s’agit d’évoquer le volet des sanctions. “... En fait, ce n'est pas à nous qu’il revient de l’assumer. Les sanctions émanent du chef d'établissement. S’il y a un vrai truc, un clash,... l’élève qui aura prononcé les propos va se prendre un rapport. Les exclusions restent du ressort de l'administration.”.

Depuis longtemps, il est question du “pas de vague”, autrement dit de la peur d’être mal vu en évoquant les problèmes. Le harcèlement constitue l’un des sujets tabous par excellence.

D’où l’importance des échanges, entre corps enseignant, CPE et administration, comme le souligne la professeur de lettre “Oui il y a des échanges, et surtout quand on a des doutes pas très factuels. On se questionne donc les uns aux autres pour savoir comment est-il dans votre cours ? Est-ce qu'il ou elle est rejeté? Est-ce que vous avez entendu,...?,...’

La responsabilité est-elle partagée ?

Ce professeur de langue précise: “Ce serait plus aux infirmières, aux psychologues de l'éducation Nationale et/ou aux éducateurs sprécialisés d'assumer leur part de responsabilité, de gérer les harceleurs. Mais aux harceleurs de leur expliquer que c' est lamentable.” Il ajoute, “Les mesures du ministre vont dans le bon sens : en finir avec la langue de bois et le "pas de vague"”.

L’enjeu réside dans le fait de dévoiler les problèmes pour se donner une chance de les résoudre. “L'un des signes pour moi, c'est quand un élève que je soupçonne harcelé n'ose pas prendre la parole et que cela ne relève pas que de la timidité. Par exemple, lorsqu'un élève prend la parole, les autres ricanent, parle entre eux à voix basse, se lancent des regards complices, C'est mauvais signe..."

Il importe d’avoir une réaction adaptée : “C’est vraiment une  chose que je ne supporte pas, étant moi-même une ancienne victime. Donc je suis très heureux de constater que le gouvernement ait enfin pris la mesure du problème et ait arrêté le « pas de vague ».”.

Ce professeur de philosophie ne rétorque pas directement face aux moqueries. Il “réagit assez sagement, en attendant mais pas trop, juste le moment de s'adresser directement, frontalement au supposé moqueur, avant précisément que cela entre dans la case « harcèlement ». ça a suffi. Mais il faut avoir la modestie de dire qu'on ne voit pas tout, d'encourager les élèves à parler, et dire aux adultes responsables des collèges de faire remonter l'info. A part informer, et punir. Neutraliser les harceleurs. La sécurité est un droit, c'est la première des libertés. Encore plus pour des enfants qui, sinon, ne sont pas en mesure d'être des « élèves ».”.

“Pendant des années, dans les cours d'école, on mettait la victime et le coupable en face à face en traitant ça comme une broutille, en leur disant de « faire la paix », pour s'en débarrasser. La lâcheté des adultes fait partie du problème.”

L’expérience du harcèlement : le point de vue des CPE

Concrètement, il reste difficile d’évaluer les cas de harcèlement. “Le repérage se fait en croisant des infos qui me viennent, et des profs et des surveillants, ou des élèves qui viennent spontanément nous parler. Ensuite nous convoquons les élèves et nous réalisons des entretiens. Tout le monde est conscientisé sur le fait qu'il faut être super vigilant là-dessus.

"Au moindre signe, nous allons au devant pour prendre les renseignements nécessaires, avec au minimum un entretien avec les personnes concernées." Il n'y a pas de profil type de harcelé. "Certains seront harcelés car ils apparaîront plus petits, plus fragiles, ou juste différents...Mais en réalité, il n'y a jamais rien qui l'explique". Et puis pour les harceleurs, c'est quelque chose qu'on repère quand même très, très fréquemment. C'est qu'ils sont souvent des anti-harcelés.“Plus généralement, il arrive que les harceleurs soient des anciens harcelés mais ceci ne constitue pas une règle. Le plus souvent, le phénomène relève d'une logique de groupe."

Les moyens mis en place

Les moyens mis en place contre le harcèlement sont là encore absolument nécessaires : Evidemment, cela commence par de la prévention. Donc le fait d'être vigilant, de rendre tout le monde responsable, de demander aussi aux élèves d'être vigilants par rapport à leurs camarades. Dès que nous avons un signalement, on réagit hyper-rapidement. Nous n’attendons pas de voir ce qui se passe, on convoque tout de suite les élèves concernés, on appelle les familles, que ce soit des harcelés ou des harceleurs. Nous essayons d’avoir une vision d'ensemble sur ce qui se passe. L’intérêt d'agir rapidement, c'est qu'on attend pas que la situation se dégrade et qu'il puisse y avoir vraiment un gros problème…”. 

Mais une sanction n’a de sens et de valeur que si elle est comprise. 

Il est capital de terminer par le référent du lycée par rapport au climat scolaire qui, avec une équipe de 10-15 personnes, a créé un “protocole harcèlement scolaire” mis en place au sein du lycée : “Il y a quelques années, nous avons réalisé une enquête, anonyme, sur le harcèlement dans l’ensseinte de l’établissement. Seulement 1% des élèves subiraient des pressions, des attaques des formes de harcèlement. Nous avons donc travaillé sur la thématique du harcèlement scolaire au lycée. Nous avons créé trois guides distribués en début d’année : un à destination des élèves, un pour les professeurs et un pour les familles. Dans ces guides, nous donnons des informations utiles, les définitions, les numéros à appeler, les sanctions possibles, comment gérer la situation sous les différents angles,...”.

Ce protocole ayant été mis en place il y a deux ans, le lycée n’a pas assez de recul pour affirmer si cette action fonctionne réellement. Outre cette mesure, le lycée participe également depuis deux ans à la journée nationale du harcèlement scolaire.

“L’an passé, deux classes ont construit des affiches exposées dans le hall central du lycée. Les élèves devaient voter pour l’affiche qu’ils trouvaient la plus percutante. Celle-ci était ensuite retravaillée pour participer au prix national de non-harcèlement. Ils ont remporté le prix académique. La participation à ce concours sera reconduite cette année.”. Ce lycée ne compte pas s'arrêter là. “ Nous n’avons pas encore tous les budgets, mais dans l’idée, nous souhaiterions faire venir une comédie de théâtre, pour qu’elle joue des scènes qu’on aurait choisies sur le harcèlement scolaire.” 

Les guides "protocole anti-harcelement" sont distibués en début d'année au professeurs, élèves et familles. Ici, celui pour les élèves et pour le corps enseignant. (crédit : Marguerite R.)