IA : l'alliée controversée de la lutte contre le réchauffement climatique

Alors que l'intelligence artificielle apparaît comme un atout majeur dans la bataille mondiale contre le réchauffement climatique, les scientifiques sont divisés sur cette opinion.

IA : l'alliée controversée de la lutte contre le réchauffement climatique
Les scientifiques mettent en garde face au technosolutionnisme dans la lutte contre le réchauffement climatique

Elle n’échappe à aucun domaine. L’IA s’invite dans notre quotidien, et la lutte contre le réchauffement climatique n’y échappe pas. Prédictions de l’évolution du climat, anticipations aux phénomènes extrêmes, identification des principaux lieux de migration climatique... nombreux sont les biens faits énoncés par les défenseurs de l’IA. Des initiatives mondiales mettent en lumière son potentiel. A l’ONU, d’ici 2027, un plan d’action s’appuyant sur l’IA souhaite garantir la protection de tous les habitants sur Terre face aux événements météorologiques, aquatiques ou climatiques dangereux. 

Une IA nantaise pour prévoir les quantités à la cantine

Une utilisation mondiale, certes, mais également locale. Dans le cadre d’un projet lancé par la ville de Nantes pour réduire le gaspillage alimentaire dans les cantines, G., chargée de mission d’adaptation au changement climatique, a observé l’aide apportée par l’IA: « La ville a une politique d’inscription à la cantine au jour le jour, les enfants s'inscrivent le matin pour le midi [...] c’était un travail de divination, demandant de prévoir les effectifs ».

Une IA permet d’affiner cette anticipation grâce à une base de données prenant en compte des critères comme les périodes spécifiques de l’année ou de la semaine, la météo, ou encore le type de menu. Mais cette avancée n’est pas sans limites. Des aléas imprévisibles, comme les grèves, entravent les projections de l'IA. Alors, peut-on compter sur son utilisation ?

Une opposition au technosolutionnisme

« Il ne faut pas oublier que le changement climatique est  dû à la progression de la technique. Vouloir mettre de la technique pour résoudre des problèmes qui ont été créés par celle-ci, ce n'est pas nécessairement la solution. » Cet avis, G. n’est pas la seule à le partager. De nombreux scientifiques s’opposent au technosolutionnisme. Cette idée que la technologie peut résoudre les problèmes créés par des technologies antérieures. Et ils s’y opposent notamment pour le côté ultra polluant de l’outil.

De sa fabrication à son évolution, son réseau de neurones s'accroît et ses microprocesseurs sont extrêmement gourmands en matières qui s’épuisent: « Cette vie ne sera peut-être pas possible car on va manquer de ressources et ce ne sera disponible que pour certaines catégories de populations. Et au détriment de quoi ? Nous, en Occident, on est confortable, on a l’argent et le pouvoir de s’acheter de nouvelles technologies, on a la capacité matérielle. Mais il y a des pays qui sont en train de tuer leur ressource en eau pour approvisionner tout ce circuit de production ». Il faut donc tempérer les bénéfices que la technologie apporte dans les pays industrialisés, qui se fait au coût des réserves terrestres et qui pourrait entraîner un autre risque, celui qu’elle devienne un luxe.

Autre point noir: la mal-adaptation

Il ne faut pas oublier que l’IA reste un outil. Les avancées scientifiques se font d’abord à travers les réflexions humaines. G. rappelle que la compréhension totale des enjeux climatiques demeure un défi, malgré les données que rapporte cette technologie. Un défi illustré par le dernier rapport du GIEC: « Ils ont bien dit que les conséquences du réchauffement climatique allaient plus vite que prévu, comme la fonte des glaces dans le Groenland ».

Elle plaide pour une réflexion plus approfondie des modèles existants pour progresser et pointe du doigt la mal-adaptation de certains de ces modèles: « Les fermes urbaines dans des conteneurs avec des lumières UV, ça ne marche pas, c’est typiquement de la mal-adaptation ». La mal-adaptation désigne un changement opéré dans les systèmes naturels ou humains pour faire face au changement climatique et qui conduit à augmenter la vulnérabilité au lieu de la réduire. Pour résumer, c’est contre-productif.

« Prendre conscience que la technologie ne nous sauvera pas  »

Au-delà de la technologie, G. insiste sur la dimension humaine du changement climatique, un élément clé de la lutte : « La technologie, c’est super sur bien des aspects mais aujourd’hui ce qui fait qu’on n’arrive pas à évoluer au niveau du changement climatique c’est l’aspect sociologique. Il faut prendre conscience que la technologie ne nous sauvera pas si les mentalités n’évoluent pas ».

Pour elle, la société est mal informée, notamment au niveau local, et ne peut donc pas se projeter dans un futur impacté par le changement climatique : « Les gens n'ont pas forcément conscience de tout, ils ne sont pas informés sur tout. On parle de l'augmentation des degrés de la terre mais on ne parle pas des conséquences d'un point de vue local. Ils ont besoin de se confronter à ce qui les concerne, eux. Les degrés, ça ne parle à personne »

L’avenir de la planète dépendrait donc d'une combinaison éclairée de technologie, sensibilisation et  transformations profondes dans nos comportements collectifs. La clé du succès réside dans la compréhension des limites de l'IA et la reconnaissance de son rôle en tant qu'outil au service de la lutte contre le changement climatique, et non comme la solution miracle.