Harcèlement scolaire : en première ligne, les associations expriment leurs inquiétudes

Mercredi 27 septembre 2023, le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, annonçait son plan de lutte contre le harcèlement scolaire. Peu convaincues par les nouvelles mesures, les associations de victimes constatent depuis quelques années une augmentation des cas de harcèlement.

Harcèlement scolaire :  en première ligne, les associations expriment leurs inquiétudes
Deux enfants par classes sont victimes d'harcèlement scolaire.

« Marion, 13 ans ; Evaëlle, 11 ans ; Dinah, 14 ans ; Ambre, 11 ans ; Lucas, 13 ans ; Thibault, 10 ans ; Chanel, 12 ans ; Marie, 15 ans ; Lindsay, 13 ans ; Nicolas, 15 ans. Ces noms, ce sont ceux d’enfants enlevés à leurs parents, ce sont ceux d’élèves enlevés à leurs enseignants, par un fléau : le harcèlement scolaire. Ce fléau tue. La peur doit changer de camp. », annonçait Gabriel Attal à l’Assemblée nationale, à la veille de l’annonce des nouvelles mesures.

 

Les associations sceptiques 

Elles étaient attendues par les associations de victimes. Le ministre de l’Éducation nationale a présenté les nouvelles mesures du plan de lutte contre le harcèlement scolaire. 

En janvier 2024, des cours d’empathie seront enseignés aux élèves. Issus du modèle danois, les cours ont pour objectif de créer de la bienveillance entre les enfants et prévenir toutes formes de harcèlement. Olivier Laurendeau, fondateur et président de l’association Agir contre les violences scolaire (ACVS), et ses 20 bénévoles interviennent dans les établissements scolaires des Pays de la Loire. Il doute de l’efficacité de la mesure. « Les cours d’empathie sont une bonne chose, mais qui va les enseigner et avec quelle formation ? », s’interroge-t-il. « Les directeurs ne sont pas tous formés à la détection et à la prise en charge du harcèlement et parfois les élèves n’ont pas l’écoute qu’ils mériteraient », explique Olivier, qui demande une meilleure formation des professionnels en lien avec les enfants et les adolescents. 

Obliger l’élève harceleur à quitter l’établissement, une mesure trop radicale ? « Il faut traiter la situation avant toute exclusion, sous peine de voir le harcèlement continuer sur les réseaux sociaux ou de voir le reste de la classe venger leur ancien camarade ». 

« Il y a plus de décès qu’avant » 

Pendant neuf ans, Sylvain Godfroy a été victime de harcèlement scolaire. Il a créé en 2013 l’association Joue pas avec ma vie pour ses deux filles, harcelées elles aussi. Aujourd’hui, âgé de 50 ans, Sylvain fustige la réaction tardive de l’État. « Le harcèlement a toujours existé. Il n’y a pas d’amélioration. Il y a plus de décès qu’avant. Les élèves ne sont pas assez écoutés », déplore-t-il.  

« Il y a un problème au sein des académies. C’est le « je ne vois rien, je n‘entends rien, je ne dis rien » », s’insurge-t-il en réaction à la lettre du rectorat de Versailles envoyée aux parents de Nicolas, ce jeune lycéen qui s’est suicidé le 5 septembre 2023. Des brigades contre le harcèlement scolaire seront mises en place au sein des académies, a annoncé le gouvernement. 

«  Notre agenda de prévention se remplit de plus en plus » 

Un million d’élèves a été victime de harcèlement depuis 2020. Deux enfants par classes, selon Matignon. Les associations Joue pas avec ma vie et ACVS mènent des actions de prévention de la maternelle aux études supérieures, des actions de sensibilisation pour les adultes et de formation pour les professionnels.

Sylvain Godfroy rencontre près de 25 000 élèves chaque année - cinq interventions par semaine. « Si je réussis à un sauver un jeune grâce à mes interventions, c’est déjà pas mal », glisse-t-il. Les structures travaillent aussi régulièrement avec des avocats et le personnel médical dans le suivi des élèves (médecins, thérapeutes, psychologues). 

Y a-t-il une libération de la parole ? « Oui », répondent les associations. « Notre agenda de prévention se remplit de plus en plus avec de nouveaux établissements. Nous commençons déjà à planifier des actions pour l’année scolaire 2024-2025 », précise le président de l’ACVS. 

Des enseignements dès la maternelle, et un soutien financier de l’État « pour continuer sereinement leurs actions sur le terrain », les associations réclament des mesures plus concrètes.