« Ce qu’on veut ce n’est pas faire l’aumône, c’est être revalorisé », dénonce une AESH.

Précarité. Quelque 730 000 agents de l’Éducation nationale toucheront en même temps que leur salaire d’octobre une « prime exceptionnelle de pouvoir d’achat ». Parmi eux, les AESH (accompagnant des élèves en situation de handicap). Ils perçoivent, en moyenne, un salaire de 800 € par mois : une rémunération en deçà du seuil de pauvreté.

« Ce qu’on veut ce n’est pas faire l’aumône, c’est être revalorisé », dénonce une AESH.

Insuffisant. Camille Mercier est AESH au collège Lucie Aubrac à Vertou. Pour elle, la prime exceptionnelle mise en place par le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, n’est pas suffisante. « Ce qu’on veut ce n’est pas faire l’aumône, c’est être revalorisé », réagit-elle. Ponctuelle, cette prime qui oscille entre 125 et 250 € sera uniquement teintée sur la fiche de paie du mois d’octobre 2023. Cette mesure ne s’affiche pas dans la demande de revalorisation des AESH, en peine de reconnaissance. « On a besoin d’une prime durable, un vrai salaire, un vrai statut » renchérit Camille. Bousculés par l’inflation, les AESH tirent la sonnette d’alarme.

 

Un salaire de 800 € par mois : une rémunération en deçà du seuil de pauvreté.

 

9 AESH sur 10 sont des femmes, souvent en fin de droit de chômage ou seules. Pour rappel, l'écart de salaire entre femmes et hommes est d'environ 4 % selon l’Insee. Ajoutons qu’il faut en moyenne six ans pour obtenir son premier CDI ou travailler à temps plein en tant que AESH. Aujourd’hui, leur salaire, pour vingt-quatre heures de travail, s’élève en moyenne entre 800 et 900 € net. Soit en dessous du seuil de pauvreté concernant le « revenu disponible pour une personne vivant seule », fixé par l’Insee à 1 102 €.

 

Un deuxième emploi pour arrondir les fins de mois

 

Camille Mercier est, comme beaucoup, obligée de porter un deuxième emploi pour arrondir les fins de mois. Elle propose de l’aide aux devoirs grâce aux compétences qu’elle a acquises lors de ses expériences d’AESH. Maman de deux enfants, elle sait la « chance » qu’elle a aussi d’avoir un mari qui « gagne bien sa vie ». « Je pense à mes collègues qui sont seules. Beaucoup ont dû arrêter ». Un bas salaire en inadéquation avec leurs conditions de travail.

 

« On a 6 heures par semaine pour cinq ou six gamins »

 

En France, 430 000 enfants en situation de handicap sont scolarisés en milieu ordinaire, dont 288 000 doivent bénéficier d’un accompagnement, pour seulement 125 000 AESH, selon un rapport sénatorial publié en mai. « J’ai connu le « avant » . À une époque, on avait environ 20 heures par semaine pour gérer un enfant. Maintenant, on a 6 heures par semaine pour cinq ou six gamins » déplore Camille. L’AESH dénonce une maltraitance, un travail à la chaîne, loin d’un rapport humain dont auraient pourtant besoin ces enfants en situation de handicap. D’autant que l’intensité d’accompagnement diffère d’une pathologie à une autre. 

  

« J’ai été envoyé à l’hôpital par un élève et été agressé par un autre »

 

Déficience mentale, troubles spécifiques du langage ou des apprentissages, autisme, troubles des fonctions motrices : le handicap est un champ de situation. « J’ai été envoyé à l’hôpital par un élève et agressé par un autre parce que les situations ne correspondaient pas » témoigne Camille. Spécialisée dans l’accompagnement des collégiens, des enfants de maternelle lui avaient été mis à charge. « La profession est un fourre-tout dû à une formation inexistante » alarme l’accompagnante.

 

« Nous n’avons pas de formation, sauf si on la paye de notre poche... Poche qui n’est pas bien remplie ».

 

Pour devenir AESH, seul le baccalauréat et 60 heures de formation d’avant-contrat sont obligatoires. Une formation souvent bâclée et sans spécialisation souligne le syndicat Sud Education. « Nous n’avons pas de formation, sauf si on la paye de notre poche... Poche qui n’est pas bien remplie. On n’est pas du tout apte à gérer tout type de situation alors qu’on est envoyé sur tout type de situation » révèle Camille. Mais une formation demande beaucoup de moyens humains et financiers que l’Éducation nationale ne fournit pas. Située en bas de l’échelle de tous les agents de l’Éducation nationale, la profession n’a, en plus, pas de référentiel. « Dans certains établissements, l’AESH n’est rien par rapport à un prof » explique Camille. Indispensable, une pétition intitulée « Soutien aux AESH, stop à la précarité » avait été mise en ligne pour alerter le gouvernement. Elle avait recueilli près de 61 000 signatures le jeudi 22 septembre 2022. Depuis, le ministère a alors déployé une poignée de mesures.

 

Une revalorisation de 660€ brut par an

 

En juillet dernier, l’Éducation nationale a annoncé une revalorisation salariale de 10 % dès septembre 2023 pour les AESH. Objectif : répondre aux difficultés de ce métier précaire et peu attractif. Ce coup de pouce représente "un investissement de 80 millions d'euros pour ces personnels" pour la période allant de septembre à décembre 2023, a souligné Gabriel Attal, soit environ 240 millions d'euros en année pleine à partir de 2024. Mais pour Camille : « Au bout de 9 ans d’expériences et de concessions, il faut plus que ça. On est toujours en bas de l’échelle salariale ! ». Le gouvernement mise alors sur une nouvelle option : les ARE (Assistant-e-s pour la Réussite Éducative).

 

Les ARE : une solution ?

 

Dans le but de faire évoluer les statuts, le ministère de l’Éducation nationale proposait de fusionner les AED (Assistant d’Éducation) et les AESH. « En plus de gérer ton élève autiste, celui qui ne comprend pas que 2+1 ça fait 3 ou celui qui se roule par terre, tu dois maintenant surveiller la cour de récréation ou l’étude quand tu as un trou dans ton emploi du temps », explique Camille Mercier avant de poursuivre : « Ce n’est pas comme ça qu’on va recruter. On va recruter lorsque les AESH auront un bon salaire, qui puisse survenir aux besoins de quelqu’un qui habite seul. Si tu travailles, ce n’est pas pour avoir de l’argent de poche ». Ces deux métiers sont différents et doivent être reconnus selon le syndicat SNES FNU. Les AED eux-aussi réclament une revalorisation de leur profession.