Garde à vue d'Ariane Lavrilleux : harcèlement judiciaire contre la liberté de la presse

Le placement en garde à vue d'Ariane Lavrilleux est une nouvelle atteinte à la liberté de la presse en France. L'accumulation de ces atteintes fonctionne comme un harcèlement judiciaire, dénoncé par les journalistes.

Garde à vue d'Ariane Lavrilleux : harcèlement judiciaire contre la liberté de la presse
Rassemblement de soutien à Ariane Lavrilleux et pour défendre la liberté de la presse, à Nantes, le 22 septembre 2023 ©Lilian GODARD

Les "forces françaises auraient été impliquées dans au moins 19 bombardements contre des civils entre 2016 et 2018", en Égypte, rapporte une enquête de DiscloseMalgré des alertes, les autorités françaises ont poursuivi leur mission. Aujourd'hui, ces informations secret-défense sont rendues publiques grâce au travail de la journaliste Ariane Lavrilleux. Suite à ces révélations, la journaliste d'investigation a été placée en garde à vue pendant 39h et son domicile perquisitionné, dans le cadre d'une enquête menée par la DGSI. Un harcèlement judiciaire pour lui extorquer sa source.

Obtenir sa source malgré la liberté de la presse

Cette manoeuvre judiciaire avait pour objectif de découvrir son informateur, pourtant protégé par le secret des sources. Lors du rassemblement de soutien à Ariane Lavrilleux et pour la liberté de la presse, à Nantes, la syndicaliste au SNJ-CGT, Eléonore Duplay, a rappelé la loi française : "Nous rappelons que la protection des sources des journalistes est un principe défendu par la loi de 1881 relative à la liberté de la presse" (voir vidéo jointe à l'article, en bas de page).

Atteinte à la raison d'Etat

Si la liberté de la presse est un pilier de la République française, elle peut entrer en contradiction avec d'autres principes. Dans le cas d'Ariane Lavrilleux, il lui est reproché de porter atteinte à la défense nationale en dévoilant des informations secret-défense. 

Sa garde à vue signifie que les intérêts de l'Etat prennent le pas sur la liberté de la presse. Pour cette raison, le juge des libertés et de la détention a accepté que soit utilisée "dans le cadre de l'enquête de la DGSI la quasi-intégralité de ce qui a été récupéré lors de la perquisition du domicile de la journaliste", explique Yann Lavrilleux, cousin d'Ariane (voir les sons joints à l'article).

Harcèlement judiciaire contre les journalistes

La même semaine que la garde à vue de la journaliste de Disclose, trois journalistes de Libération ont été convoqués par la Police judiciaire suite à leur enquête sur la mort d'Amine Leknoun, tué par un policier.

Jean-Marie Charon s'inquiétait déjà en 2019 d'une "dérive autoritaire", après les violences policières pendant le mouvement des Gilets jaunes, la situation s'est dégradée depuis. La loi sur le secret des affaires (2018) a pris le dessus sur la publication de l'enquête du site Reflets au sujet d'Altice (2022). Mediapart a subi une semblable censure préalable quelques semaines après.

Cet harcèlement judiciaire limite concrètement la liberté de la presse et participe indirectement à l'autocensure des journalistes.

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